Kelly
Schrum, "Surfing
for the Past: How to Separate the Good from the Bad," AHA Perspectives (May 2003)
[standard]
Cohen, Daniel J. and
Roy Rosenzweig. “Web of
lies? Historical knowledge on the Internet.” First Monday (December
2005). [standard]
Edward L. Ayers,
"Doing scholarship on the Web: ten
years if triumphs -- and a disappointment", Journal of scholarly publishing, vol. 35, no. 3, 2004,
pp. 143-47 [court]
Kelly Schrum part du constat que l’historien doit faire face à une
masse écrasante d’informations de nature historique disséminée sur le web (Voir
les “archives de l’infini”) ce qui le contraint à redéfinir ses stratégies de
sélection. Il y a également des enjeux pédagogiques dans la mesure où les
étudiants recourent massivement au WEB et pas toujours avec la distance
critique nécessaire. Il relève ainsi trois familles de questionnement face
à un site à prétention historique: Qui est à l’origine du site ? Dans quel
but a t-il été crée (A qui est-il destiné ?) ? Quel est sa crédibilité (A quels autres
sites est-il lié?) ?
Kelly Schrum suggère
de “s’outiller” afin de s’orienter correctement dans ce maquis d’informations
de valeurs inégales. Faute de quoi il suggère de contourner la difficulté en
passant par les bons portails (sites de références). Ce qui revient à opter
pour les « catalogues » par opposition aux algorithmes…
Fort bien. L’on
peut cependant se demander en quoi cette « méthode critique » diffère
tant de celle définie par Langlois
et Seignobos au début du XX
siècle. Antoine Prost en proposait une synthèse[1].
Le souci des faits en histoire est celui de l’administration de la « preuve »
donc de la référence. Une affirmation doit pouvoir être vérifiée. L’historien
doit pouvoir en faire la critique externe (caractéristiques
du document), la Critique interne (cohérence
du texte), la critique de
sincérité (les
intentions du témoin a t-il des raisons
conscientes ou pas de déformer le témoignage ?) et enfin la
critique d’exactitude (erreurs, situation
objective du témoin. Sa position Impliquait-elle
des biais ?).
La
question de fond n’est-elle pas alors : les ressources du Web remettent-elle
en cause les fondements de la démarche critique en Histoire ? Et si la
réponse apportée est vraisemblablement négative pour des raisons de simple bon
sens, la question devient : en quoi
Internet change les conditions de l’examen critique ?
Daniel
J. Cohen et Roy Rosenzweig pointent les limites des moteurs de recherche tel que
Google («a swift locator of people and information ») et les
réticences de nombreux historiens à rentrer de plein pied dans le monde du
numérique arguant des chausse-trappes dans lesquelles tombent la plupart des
étudiants. Comme Kelly Schrum, ils insistent sur la nécessité de nouveaux
outils de recherche (automated methods for mining historical knowledge
digitally) tel H.Bot. Mais maîtriser ces outils algorythmiques suppose d’avoir
une bonne connaissance pratique du fonctionnement du net. D’autre part se pose
la question de la pertinence des méthodes d’analyse mathématiques. Au fond la
question déjà posée dans ce séminaire reste « une base de donnée étant un
silo auquel on peut poser des questions ; comment faire en sorte que les
questions traversent les silos ? Les auteurs jugent très bonne la capacité
de H-bot à répondre de façon pertinente à des questions historiques. Soit mais
l’article étant rédigé en 2005, on a du mal aujourd’hui à trouver trace de
H-bot sur le net. Est-on passé à autre chose ? Ils soulignent cependant la « naïveté »
de H-bot. Faut-il s’en étonner ? Ils
rappellent opportunément que la notion
problématique de vérité historique n’est pas la même dans le monde académique et
sur le Web. Sur le Web c’est une affaire de consensus fut-il changeant. Pour les
chercheurs ce sont les travaux les plus récents et reconnus par la communauté
des historiens qui font foi. Ce point est à mes yeux, crucial, et nous
retrouvons ici les limites intrinsèques des encyclopédies en ligne comme Wikipédia.
La vérité a-t-elle valeur démocratique ? Est-elle détenue par le plus
grand nombre ? Faute d’être complètement insaisissable (sinon à quoi bon
exercer le métier d’historien) une vérité historique est « construite »
donc fuyante et capricieuse ("People don't realize how hard it is to nail
the simplest things," Lars Mahinske, chercheur pour l’Encyclopedia
Britannica). Et si elle est établie par la communauté (la validation des
pairs se substituant à la « preuve » administrée, problématique en
sciences humaines), elle ne l’est souvent qu’à titre provisoire, de nouvelles
sources ou questionnement pouvant à tout moment chambouler l’édifice.
Ce
consensus autour des faits historiques comme faisant foi pose donc problème à l’historien.
Au début d’une recherche sur un sujet précis, l’on est souvent tenté de faire
un état des lieux de la connaissance sur le web. Fort bien, mais le processus
de recherche ne commencera réellement qu’à partir du moment où nous trouverons
les travaux de référence sur la question et c’est clairement les limites d’internet
faute d’outils adaptés. La question que nous pouvons nous poser serait aussi :
dans la mesure ou des outils algorithmiques
de type H.bot permettent de retrouver de façon pertinente un certain nombre de
faits ou matériaux historiques, ne nous limitent-ils pas à une approche triviale,
factualiste de l’histoire ? Le
danger est que ces outils nous amène par leur nature même (multiple choice) à une
vision réductrice et naïve de l’histoire.
Derrière
cette question, Daniel J. Cohen et Roy Rosenzweig pointent aussi les limites de
la recherche en intelligence artificielle qui est loin de répondre aujourd’hui
aux espoirs et aux fantasmes qu’elle a pu susciter dans le passé. Nous sommes très
loin d’approcher les capacités d’un cerveau électronique comme HAL dans 2001 l’odyssée
de l’espace ! Mais si de tels outils ne nous apparaitront jamais comme « intelligent »
ils peuvent cependant nous faire gagner un temps précieux en discriminant et en
présélectionnant les informations sur le net, fusse de façon imparfaite et incomplète.
They are dumb but fast machines !
Toutefois les techniques d’analyse de texte peuvent à l’évidence apporter
beaucoup à l’historien en termes de compréhension cette fois. En bref les méthodes quantitatives peuvent
être au service de réponses qualitatives.
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