vendredi 7 décembre 2012

The Texas Slavery Project.




Ayant parcouru quelques billets traitant de ce site, je vais éviter d’être redondant. Le projet annoncé est “to take a deep look at the expansion of slavery in the borderlands between the United States and Mexico in the years between 1837 and 1845. The project offers a number of digital tools that allow users to explore the changing face of slavery in early Texas.”  Nous sommes bien dans un projet d’histoire quantitative tel que le permettent des sources nombreuses dument référencées et accessibles (Onglet Primary sources).

L’ergonomie du site est très séduisante et nous permet d’explorer les possibilités qu’ouvrent les outils numériques dans le traitement mais surtout dans la présentation des data qui intègrent les SIGs. Ce qui est remarquable est l’interactivité apporté à la manipulation des data. 



Ici sur une seule fenêtre nous pouvons croiser des informations spatialisées et des graphiques associés. De plus, la carte évolue dans le temps grâce au curseur en bas de la fenêtre. 
Dans « Graph the TSP database »,  nous pouvons croiser les courbes et choisir nous-mêmes les critères (villes et nombre d’esclaves par propriétaires par exemple) :



Le seul problème à mes yeux est que le site laisse l’internaute bien seul face à toutes ses données et qu’à aucun moment à ma connaissance il n’y a problématisation. Le site reste circonscrit au traitement de l’information mais pas à son interprétation. Est-il alors destiné aux seuls spécialistes de la question de l’esclavage au Texas ? Il aurait été souhaitable qu’un ou plusieurs essais soient produits pour éclairer sur les tenants et les aboutissements d’un tel projet. Quels sont les hypothèses qui ont prévalues à ce type de travail ? Quelles en sont les conclusions temporaires?  Quels sont les perspectives de recherche ? On a parfois l’impression qu’il s’agit aussi d’une « vitrine » qui expose un produit alléchant et qui cherche à mettre en valeur l’équipe de recherche et l’université qui chapeaute tout ça. Le système universitaire américain est ainsi fait : il faut savoir se vendre dans le marché concurrentiel des « colleges ». N’est-ce pas un travers possible de l’histoire numérique ? En revanche on ne peut être qu’impressionné par les moyens importants mis en place pour produire un tel site. Mais nous restons un peu au milieu du gué et donc sur notre faim. En comparaison le site « the differences slavery made » apporte un éclairage non seulement méthodologique mais aussi un état des lieux des questions en jeu (dans Summary of argument).
Finalement l’intérêt que je vois pour ce site est pédagogique : faire plancher les étudiants américains sur l’esclavage à partir d’une base de données conséquente mais bien mise en valeur. Je leur souhaite bien du courage !

lundi 3 décembre 2012

Usage(s) de Zotéro

J’utilise Zotéro depuis un an et si sa prise en main  est un peu fastidieuse au début, il faut bien admettre que sa maîtrise nous fait gagner un temps précieux par la suite. Il n’y a pas d’histoire sans référencement et la gestion des bibliographies, des notes infrapaginales, des sources écrites, des citations, bref de tout ce qui fait la « scientificité » de notre travail (en ce qu’elle permet le jugement des pairs) est un travail particulièrement fastidieux surtout si nous voulons le mener avec rigueur. Zotéro le permet et je vais en présenter certains aspects. Pour la présentation générale et ses différentes fonctionnalités visionner le clip sur Zotéro.org.
            Tout d’abord, il est nécessaire de faire tourner Mozilla firefox avant de lancer zotéro standalone. Comme j’utilise deux ordinateurs, un fixe et un portable, j’ai eu des problèmes de synchronisation au début et les exportations ne sont pas commodes. La solution que je recommande et d’installer firefoxportable sur une clé USB  et paramétrer Zotéro pour créer le répertoire sur la clé. Plus de problème depuis, Zotero est disponible partout !
            Il est nécessaire ensuite d’installer un plugin sur Firefox pour « aspirer » les références en un clic. Veiller toutefois à contrôler que tous les champs  soient correctement référencés, on a parfois des surprises. Cette facilité d’accumuler les références peut se révéler un piège à la longue. La profusion nécessite un travail de classement. Et le travail de hiérarchisation ne semble pas possible avec Zotéro : dommage qu’il n’y ait pas un système de favoris ou de marqueurs….  Pour la bibliographie concernant mon mémoire, j’ai commencé par créer des collections par thèmes. La difficulté est que bien des ouvrages couvrent différents domaines et que s’il est aisé de référencer le même ouvrage dans différentes collections, dès que l’on édite une bibliographie cela génère des doublons. Aussi la meilleure solution me semble t-il est de rassembler les références sur un thème large (par exemple « Cameroun ») et de taguer chaque référence (marqueurs) ce qui permet de les retrouver rapidement (par exemple : politique, fait religieux, anthropologie, histoire urbaine, histoire militaire, ouvrages généraux, UPC, Yaoundé, Bamiléké, Ewondo  ect…). Une autre solution consiste à marquer les ouvrages « connexes ». D’autre part, il me parait important de distinguer les références lues et immédiatement disponibles pour les notes infrapaginales, des références à consulter ultérieurement. Aussi j’ai crée une collection « à consulter » et qui constitue en quelque sorte un programme de travail.
            Le plugin pour Word est bien utile et remplace la fonction « insérer une note en bas de page ». Mais on peut toujours procéder par glisser-déposer. Malheureusement on ne peut pas faire apparaître les champs comme on le voudrait dans les citations, ces derniers étant sélectionnés à l’avance.  Par exemple, je référence aussi mes archives sur Zotéro (sources primaires, orales, imprimées…) mais il est impossible de faire apparaitre la côte de l’archive bien que le champ existe. Astuce : copier-coller la côte (complète !) dans le champ « auteur ».
            Il y a tout de même des problèmes dans l’édition. D’abord le choix des styles, anglo-saxons pour la plupart. Il faut aller chercher et importer des styles francophones sur des sites d’utilisateur. Pas commode ! Par défaut, j’utilise « infoclio francophone ». Mais le vrai souci est que parfois les citations apparaissent  avec une majuscule au début de chaque mot. Une perte de temps pour rectifier…
            Il y a un aspect que je n’utilise pas et qui mériterait sans doute que l’on s’y arrête, c’est le système d’annotation. A vos plumes … je cherche à intégrer mes annotations réalisés sous PDF. Pour cela il faut la version pro payante que je suis en train d’évaluer.
             Une dernière chose importante : en créant un groupe Zotéro vous pouvez partager vos références (le mien s’appelle « politisation et réseaux au Cameroun 1944-1962 ») et les consulter directement sur le net, votre standalone étant automatiquement synchronisé avec le site. J’ai déjà trouvé un site similaire « histoire du Cameroun » et pu ainsi télécharger des références et des PDF intéressants.

Numérisation, gestion et exploitation informatisée d’un fonds d’archives.

Hi Folks ! I’m back from Africa. Time’s up to get cracking. Ma première contribution va traiter de l’utilisation de différents logiciels classiques dont la suite bureautique Microsoft dans le traitement et l’exploitation d’un grand nombre d’archives numérisées. Plusieurs chercheurs rencontrés en France et au Cameroun ont montré leur intérêt pour la technique que j’utilise.  Un constat tout d’abord, si tout le monde ou presque est familier avec ces logiciels, nous n’utilisons en général qu’une faible partie de leurs puissantes fonctionnalités. Pourtant, j’ai tendance à penser d’une bonne maîtrise de quelques logiciels de base vaut mieux qu’une prise en main souvent laborieuse de petits logiciels spécifiques à la durée de vie souvent limitée. On y gagne en efficience (temps + efficacité !).
Le recours à l’informatique dans mon cas s’imposait. Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour comprendre que mon projet de mémoire sur le Cameroun colonial allait nécessiter des déplacements. Les sources sont éparpillées en différents lieux très éloignés les uns des autres : Paris, Aix en Provence et Yaoundé. Au vu des contraintes familiales, financières et professionnelles, il était clair que je ne pouvais pas exploiter les archives in situ. Il me fallait adopter des techniques modernes d’archivage par numérisation à l’aide d’un appareil photo numérique, d’un pied, et de quelques bons logiciels pour convertir les lourds fichiers JPEG en PDF correctement indexés par côte (Un PDF par cartons). La frustration qu’il y avait à ne pas étudier directement les documents originaux  est compensée par les facilités de la consultation sur ordinateur. Mais comment gérer efficacement l’accumulation de quelques 3000 clichés de documents d’archives?
Lors du dépouillement des archives; le tri sélectif des documents est fondamental et permet ensuite de gagner beaucoup de temps à la consultation.  Malheureusement, faute de temps, nous devons souvent nous contenter d’une lecture rapide en diagonale pour saisir la pertinence de tel ou tel feuillet. Une fois les lots constitués, nous pouvons passer à la numérisation : le pied garantit une stabilité du cadrage et il devient aisé de prendre une photo toutes les 3 ou 5 secondes. Il est impératif de régler l’appareil photo sur le mode « documents » et de choisir la meilleure résolution même si le JPEG est lourd. Une fois les fichiers récupérés sur l’ordinateur, je les ouvre avec Microsoft Picture Manager qui permet un traitement par lots : il est ainsi aisé de réorienter les photos et d’améliorer le contraste en un clic. Ensuite on fait un clic droit sur le lot de clichés sélectionnés qui permet de les basculer sur Microsoft Powerpoint obtenant ainsi une photo par page.

Il suffit ensuite d’exporter le document en PDF.  Nous effaçons alors le PowerPoint et toutes les photos qui ne servent plus à rien.  Le fichier PDF est léger ; aisément consultable et la qualité des photos optimale pour la lecture.
Lors de la lecture des PDF (de loin le plus gros du travail), j’utilise l’outil d’annotation d’Acrobate Reader pour mes prise de notes qui seront autant de marques pages.  Il est réellement dommage que nous ne puissions pas exporter les commentaires seuls. Les conseils sont les bienvenus.

Au niveau méthodologique, l’éclatement des sources écrites, leur caractère incomplet et lacunaire, le fait qu’il n’y ait quasiment aucune série complète qui vienne éclairer certains points, complexifie la tâche du chercheur et l’oblige à gérer l’accumulation d’informations très disparates (c’est surtout vrai pour les archives camerounaises qui sont peu ou mal classées).  Le travail d’indexation par les commentaires (ou mots clés) ne suffit pas. On risque de se noyer devant la masse des informations. Il faut sélectionner, hiérarchiser les données en un  système de  prises de notes qui se doit d’être à la fois pratique et facilement exploitable mais aussi pertinent, c'est-à-dire qui permette de donner une cohérence à l’ensemble.
A cet effet, Microsoft One note (http://office.microsoft.com/fr-fr/onenote/) est un intéressant outil de prise de note multimédia et multi sources. C’est un fait un classeur où on peut créer autant d’onglets et de sous-onglets que l’on veut, correspondant chacun à une thématique. Mon plan de mémoire se retrouve peu ou prou dans l’organisation du classeur mais je conseille d’organiser avec des thématiques plutôt que des titres et sous titres de sections toujours sujet à remaniement ( j’ai fait l’erreur !). Je peux dans chaque feuillet inclure du texte, des captures d’écrans, les commentaires d’archives, des photos, des vidéos, des liens hypertextes, des références bibliographiques (avec Zotéro), des questionnements divers… qui seront autant de points d’appuis pour la rédaction du mémoire. L’explorateur de documents est précieux : un fait particulier, une date, un personnage, un lieu, peut être retrouvé en quelques secondes.  


A bientôt…

Los Angeles, approches croisées : Sites Web Hypercities et Los Angeles and the Problem of Urban Historical Knowledge.



S’il y a une ville au monde qui se prête bien à une approche spatiale dynamique c’est bien Los Angeles. Pour Jean Beaudrillard[1], l’Amérique vécue comme une utopie réalisée s’est conçu pour échapper à l’Histoire et donc à la culture. La cité des anges, plus que tout autre ville aux Etats-Unis se rapproche de cette brillante intuition[2]. Là bas l’histoire semble glisser sans poser son empreinte, le vieux s’efface devant le neuf sans cette sédimentation qui fait le charme des villes « chargées d’histoire ». Cette spécificité en fait à la fois une ville à part mais aussi dans l’esprit de conquête proprement américain la plus américaine des villes. L’immensité monstrueuse de la ville où la périphérie est le centre apparait proprement comme effrayant et ce n’est pas un hasard si j’ai toujours zappé L.A lors de mes séjours en Californie, car là-bas nul salut sans voiture individuelle à l’inverse d’une ville comme San Francisco nettement plus européenne et accueillante au globe trotter. Cette horizontalité démesurée en fait une ville où la circulation est un fait social majeur et c’est bien sous cet angle que le site « Los Angeles and the Problem of Urban Historical Knowledge » au titre révélateur pourrait être pertinent. Pourtant, à ma grande surprise le réseau dense des highways n’apparait pas dans sa dimension diachronique sur le site. Or le réseau autoroutier structure l’ensemble et les freeways sont proprement les artères de la ville qui lui donnent vie.  Sur ce plan, le site Hypercities me parait plus pertinent en ce qu’il permet, par son système de calques géoréférencés, de rendre compte de la densification et de l’extension du réseau routier au fil du temps. Bref en suivant Baudrillard qui pointait la vacuité circulatoire des freeways - « le cruising » , rouler sans but précis, est une pratique sociale courante en Californie -  j’ai tendance à penser que cette ville plus que tout autre doit être penser en termes de flux alors que bien des villes européennes comme Rome et Paris, par la richesse de leur patrimoine préservé, sont « artérioclérotiques» et nécessitent ainsi une approche spatiale moins dynamique, plus « archéologique»  car le neuf se superpose au vieux.
            En revanche les “animated demographies” dans « Los Angeles and the Problem of Urban Historical Knowledge » sont extrêmement pertinentes  et rendent  compte brillamment de l’évolution sociale de la ville. Certes l’approche est ethniciste, c’est sa limite, mais croiser la répartition des minorités avec les « median house value » a un intérêt heuristique certain. C’est à l’évidence une piste à suivre pour les espaces urbains ségrégués des villes coloniales africaines même si dans ce domaine les données quantitatives manquent cruellement (il suffit de se reporter sur Johannesburg dans Hypercities pour s’en rendre compte). L’essai “Los Angeles and the Problem of Urban Historical Knowledge” par Philip J. Ethington insiste beaucoup sur le caractère postmoderne de la ville alors que Beaudrillard parlerait lui de “primitivité”. Mais cela ne revient-il pas  au même ? « history itself is effaced by the "depthlessness" that characterizes a core condition of the "world space of multinational capital"–the ultimate source of ongoing exploitation and alienation ». La photographie, la cartographie, le modeling (sans oublier le cinéma, consubstantiel à la ville) vient pour ainsi dire se substituer au faible patrimoine archéologique et monumentaire pour restituer l’historicité de la cité des anges. C’est ce que “Los Angeles and the Problem of Urban Historical Knowledge” nous propose et on peut juste regretter qu’il n’y pas suffisamment de cartes animées pour rendre compte de l’extrême vitalité et plasticité de la ville.
            Au fond la circulation effrénée des hommes le long des freeways dès les années 30 préfigure celle de l’information et des capitaux telle que nous la vivons aujourd’hui à l’aire numérique. L’effet paradoxal sur Los Angeles est que les « tuyaux »  par lequel transitent les bits annihilent l’espace.  Quand on peut acheter en ligne, à quoi bon arpenter des kilomètres de freeways embouteillés pour aller dans des centres commerciaux pourtant typiquement californiens? La Californie a en quelque sorte été le précurseur au cours des décennies passées des différentes façons de circuler aujourd’hui (freeways, internet) mais aussi de voyager (aérogares et industries de l’imaginaire).
                En conclusion, ces deux sites nous rappellent opportunément qu’une approche spatiale doit prendre en compte les spécificités géographiques mais aussi historiques des villes. Par exemple les villes  de San Francisco et de Los Angeles  pourtant toute deux californiennes appellent un traitement particulier (dû entre autre au rapport centre-périphérie, au cadre naturel, à l’évolution sociale ect…).


[1] Baudrillard Jean, Amérique, [s. l.], Le Livre de Poche, 1988. Certes l’approche du sociologue reste assez poétique mais son approche est visionnaire et garde encore toute sa pertinence. Le meilleur livre sur les Etats-Unis à mes yeux.
[2] Pour apprécier la dimension « hors du temps » de la ville voir l’excellent film de Robert Altman « short cuts » au titre évocateur.

Usage(s) de Google earth


Comme certains d’entre vous et dans le cadre de mes enquêtes de terrain, j’utilise Google Earth pour repérer les lieux d’archivages, mes points de chute et la localisation de différents témoins et personnes ressources. La connaissance de Yaoundé capitale d’Afrique tropicale n’est pas aisée car la plupart des rues n’ont pas de noms (Il n’a que des boites postales et pas d’adressage…) et il n’y a pas de plan précis de Yaoundé en circulation. Tout le monde se repère par rapport à des édifices remarquables (administrations, églises, ministères, stades…) et des quartiers  aux multiples dénominations et au contour flou (ce qui rend la course en taxi très fun pour les gens peu pressés…). D’ailleurs l’adressage de certains quartier dans Google Earth est fantaisiste (exemple « quartier Bassa ») et témoigne plus des représentations des contributeurs que d’une vision partagée des choses…  La  « google earth community » semble être un modèle collaboratif façon wikipedia (à vérifier…). D’autre part la définition des images satellitaires pour l’Afrique ne sont pas excellentes (beaucoup de nuages et photos déjà anciennes). Signalons la possibilité d’afficher la date des photos ce qui est une fonction importante car toute représentation spatiale est saisi à l’instant « t ». 

Voyons un deuxième aspect plus pédagogique. Google Maps fait parti à l’évidence de ces quelques logiciels incontournables pour l’enseignement de la géographie, de l’histoire mais pas exclusivement.  Ma très modeste contribution ici sera de vous faire partager mon expérience d’enseignant dans l’emploi de Google Earth en sachant qu’un nombre non négligeable d’entre vous enseigneront d’une façon ou d’une autre.  Professeur des écoles depuis pas mal d’années je gère le réseau informatique de mon école depuis 1999. D’autre part en 2006, j’ai eu la chance d’être doté d’un Tableau Blanc Interactif (TBI) connecté au réseau ce qui m’a permis d’intégrer pleinement les TICE dans ma pratique de classe. De cette situation privilégiée , il me faut faire un constat : l’intégration et l’usage des TICE à l’école primaire et au collège s’avère compliqué pour des raisons de formation initiale, de maintenance, d’accès aux postes, d’encadrement, du renouvellement  permanent des matériel et des logiciels et aussi d’emploi du temps (c’est surtout vrai pour le collège). Bref il faut être motivé. Par chance Google Earth bien qu’en constante évolution fait figure de valeur sûre et je ne peux qu’encourager son usage. Comme je travaille avec des petits (de 7 à 11 ans) , mon approche est aux antipodes de celle présentée ici  http://www.youtube.com/watch?v=VCts13a9Ykg. Les principaux outils utilisés sont simples : le Zoom , le navigateur, la caméra pour changer d’angle de vue,  les marqueurs (pins), l’appareil photo, l’outil trajet pour mesurer.  Je travaille souvent sur le très local (le quartier) et les différentes représentations spatiales. En utilisant les différents outils, les élèves font du repérage  en lien avec la thématique en œuvre :  ils peuvent tracer des trajets et colorier des surfaces (Urbain/rural, résidentiel/industriel ect…). Tout ceci peut et doit être raccroché avec d’autres domaines d’apprentissages : mathématiques (mesures, géométrie), EPS (Tracer dans la cour un circuit polygonal de 200m pour la course longue…), éducation civique (tracer le trajet à pied jusqu’au Gymnase et repérer les endroits dangereux pour le piéton. On va ensuite sur le terrain pour valider), préparer la sortie de fin d’année etc.… En histoire, la fonctionnalité Street View  est particulièrement intéressante quand elle s’agit de comparer des images  anciennes (les municipalités les fournissent à foison) avec celle d’aujourd’hui témoignant ainsi de l’historicité des lieux dans lesquelles ils vivent. Ce ne sont que quelques idées livrées en vrac, il y a beaucoup à faire en la matière. Elles peuvent sans nul doute être adaptées aux plus grands.
Christophe RALITE

Baker, Alan R. H. Geography and History: Bridging the Divide. Cambridge University Press, 2003.

Allan Baker, géographe britannique, se propose de faire un état des lieux des relations entre histoire et géographie que l’on suppose aisément compliquées comme le suggère le titre « bridging the divide » et qui en outre annonce le projet du livre. Le premier chapitre tente de problématiser les choses et d’esquisser des pistes de réflexion pour connecter les deux mondes. Il est hors de mon propos dans mon billet de traiter de toutes les questions soulevées dans ce texte (mon inculture est grande en la matière). Les débats notamment sur les définitions académiques des disciplines hybrides ne seront pas évoqués ici. Cependant certaines assertions et questionnement de Baker peuvent titiller notre curiosité d’apprenti-historiens et se révéler fécond. Je ne me référerai pas exclusivement au texte de Baker d’autant que celui-ci est très allusif par endroit.


Tout d’abord, aborder l’histoire sous l’angle de la spatialité me semble un truisme. De même il me parait difficile d’aborder les questions relatives à la géographie sans recourir, à un premier niveau d’analyse, à des marqueurs temporels. A dire vrai l’espace et le temps ne sont en rien des objets d’études mais des dimensions constitutives des objets d’études[1]. Pourtant les subdivisions disciplinaires de géographie historique et d’histoire géographique (histoire spatiale ?) existent mais sont moins le résultat d’une division rationnelle des champs d’investigation que le fruit d’une évolution continu des deux disciplines. Baker nous rappelle que l’Histoire ainsi que la géographie, et cela de façon parallèle, ont profondément renouvelé leurs approches méthodologiques et élargi leur champ d’étude jusqu’à largement empiéter l’une sur l’autre. Pour autant doit-il y avoir conflit ? Quels sont leur spécificités et dans quelles mesures leurs relations peuvent être fécondes ?

Revenons à nos truismes de départ. Pour ce qui est de la géographie, tout évènement spatial résulte d’un état irrémédiablement daté du système que l’on étudie et à ce titre l’historicité du moindre phénomène spatial est donc intégrale et radicale. De même, toute étude historique accuse une dimension spatiale même si celle-ci est parfois (souvent ?) omise. Pourtant ce constat n’est pas toujours allé dans le sens d’une interdisciplinarité et il me parait intéressant d’en rappeler brièvement les grandes étapes au risque d’ennuyer le lecteur avec des banalités. Je me permettrai aussi de raccrocher de façon concrète certaines de mes réflexions au cadre même de mes recherches sur les processus de politisation en milieu urbain et dans un contexte colonial afin de dégager l’intérêt heuristique d’une approche spatiale[2].

L’Histoire-géographie est un vieux couple au sein de la culture scolaire française et fut l’instrument privilégié d’éducation politique et de construction d’une identité nationale (Qu’en était-il en Angleterre ? Je l’ignore). Si la géographie fut d’inspiration naturaliste à ses débuts, donc de conception assez « fixiste », dès la fin des années cinquante, l’attention se porte sur les effets de circulation, longtemps négligées[3]. Avant l’émergence de cette « nouvelle géographie », lorsque les géographes analysaient l’encadrement urbain de l’espace ils traitaient bien de réalités humaines mais le faisaient de telle manière qu’ils n’avaient pas besoin de parler des acteurs dont les décisions généraient les dispositions spatiales. Nous avions l’émergence d’une science sociale des comportements rationnels qui proposaient des interprétations environnementalistes souvent influencé par le déterminisme Darwinien (Friedritch Ratzel, Paul Vidal de la Blache). De nombreuses études géographiques souffraient de finalisme historique, la chronologie et l’histoire étant quasi synonyme. Il ne fait aucun doute pour beaucoup que Géography et histoire ont des perspectives différentes et des territoires intellectuels séparés (Mitchell 1954 p 10). Le terme « monde » désigne la surface de la terre pour les géographes alors qu’il s’agit de l’ensemble des sociétés pour l’historien.

L’apparition de la « nouvelle géographie » est contemporaine de l’histoire des annales dont il est utile de se souvenir que Marc Bloch et Lucien Febvre avaient à la base une formation de géographes[4]. Ce n’est qu’avec les annales, et notamment l’apport de Braudel sur les différentes temporalités, l’on sort finalement de la vision naïve du temps chronologique et dont l’intérêt pour la géographie (relié à la longue durée) est tel que Baker rappelle que l’histoire fut soupçonné d’annexer la géographie[5]. Ainsi l’homo geographicus échappe à une société vu comme alors rationnelle et rentre pleinement dans le champ de la culture. Ce deuxième point de jonction avec l’histoire est le suivant : les géographes appréhendent une réalité dynamique mue par les pratiques, attitudes savoir-faire, connaissances et croyances de l’homme. Les champs d’activités de l’homme (économie, social , politique ect.) sont des objets d’études aussi bien pour les géographes que pour les historiens. Baker insiste par ailleurs lourdement sur le parallèle qui peut être fait entre les effets de « modes » historiographique et géographiques. L’historien pas plus que le géographe n’échappe à l’air du temps. Il n’y a qu’à constater l’émergence aujourd’hui des gender studies et des subaltern studies (bien que ces dernières soient davantage confinées au monde anglo-saxon) pour souligner le parallélisme dans l’évolution des deux disciplines.

Nul besoin ici d’ennuyer le lecteur avec l’Histoire de l’Histoire et la rupture apportée par les annales que Baker identifie comme un « cross point »[6] important entre les deux disciplines. Rappelons juste que jusqu’alors les historiens avaient coutume de considérer le monde comme un simple décor, alors que l’acception post-moderne serait plus de considérer l’espace comme « une arène où les hommes s’affrontent » avec ce que cela suppose comme interactions[7]. En bref on ne peut plus concevoir la vie sociale hors de l’espace. Au fond, l’espace vu par les historiens n’est plus considéré comme une externalité de la société (un output) mais comme un véritable composant du système. Comme le note Michel Lussault, « l’espace est plus grand que la matière, les idéologies spatiales, les mythologies, les images et les imaginaires ainsi que tous les langages qui les formalisent et les diffusent, qui leur offrent leurs effets pragmatiques, font partie intégrante de la dimension spatiale de la société »[8]. A titre d’exemple, un angle d’attaque très intéressant sur la politisation des Ewondos de Yaoundé que j’étudie actuellement, repose beaucoup sur leur conception de la territorialité qui mettait en échec les tentatives de contrôle social des indigènes par l’administration coloniale et qui reposait pour l’essentiel sur un imaginaire précolonial (escapisme, nomadisme ) et le mythe fondateur de la traversée du Loum. Ainsi pour un historien, l’approche spatiale n’est pas une fin en soi mais plutôt un moyen privilégié de rendre compte d’une réalité sociale.

Pourtant et bien que Baker n’insiste point trop là-dessus, il nous faut constater à l’instar de M.Lussault que la géographie contemporaine fut et reste souvent sensible à la thématique de l’invariance qui se trouve inscrit d’une certaine façon dans son ADN. Des tendances tendraient à « déshistoriser » et « désociétaliser » les « lois propres de l’espace » que certains géographes cherchent à découvrir. D’autres comme Edward Soja postule que l’accélération du temps, l’instantanéité contemporaine neutralise en quelque sorte l’expérience de la temporalité ce qui revient à réévaluer à la hausse l’expérience de l’espace, les paysages urbains étant des collages emblématiques de la civilisation mondiale. La question qui se pose alors est aussi valable pour l’histoire : La géographie ou l’histoire peuvent-elles être des disciplines autonomes disposant de méthodologies qui leur sont propres et dans certains cas s’ignorer l’une l’autre ? Je serai tenté de répondre par la négative ; l’histoire devrait rejeter la neutralisation de l’espace et la géographie l’esquive de l’historicité. Mon étude en tous cas des réseaux sociaux porteurs d’une parole politique m’amène à le penser. Pour faire court, la dimension humaine, donc subjective, de la constitution de ces réseaux reste certes une donnée de base- difficile à appréhender du reste- mais la géographie des nœuds de rencontres, la fluidité de la circulation des idées et des hommes rendent compte de l’espace social dans lequel se meuvent les individus et dont l’historicité est attesté par les reconfigurations permanentes du network . Just food for thoughts….

Mais après tout le débat reste ouvert…

Christophe Ralite




[1] Kant Emmanuel, Critique de la raison pure, [s. l.], Flammarion, 2001 Mais pas nécessaire de lire le pavé pour comprendre cette évidence.


[2] Je rappelle à mes lecteurs le sujet de mon mémoire: « Les processus de politisation à Yaoundé à travers les réseaux (1944-1962) » avec comme question subsidiaire « quelle circulation de la parole politique dans un contexte de lutte nationaliste ? ». Nous sommes bien dans une problématique de flux : hommes et idées. Chacun peut apprécier l’intérêt d’un approche spatiale dès qu’il s’agit d’étudier des réseaux.


[3] Je me réfère à l’article de Paul Claval, entrée « géographie » in Collectif, Dictionnaire des sciences humaines, [s. l.], Presses Universitaires de France - PUF, 2006, p. 497.


[4] Pour l’Histoire de l’Histoire lire Prost Antoine, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Seuil, 1996.


[5] Voir les travaux de Braudel sur la méditerranée (1949)


[6] Antoine Prost Op. Cit..


[7] P. Claval Op.Cit.


[8] Collectif, Dictionnaire des sciences humaines, op. cit., p. 561.