lundi 21 janvier 2013

L’histoire à l’ère du numérique: “Valley of the Shadow”, “The History Channel”, “Do History”


“Do history” se propose de mettre à la disposition de l’internaute un ensemble de matériaux historiques numérisés autour de la vie de Maria Ballard, une sage-femme qui vivait au Massachussetts au XVIII siècle. La pièce maîtresse de l’ensemble est son diary que l’on peut lire en l’état (manuscrit) et dactylographié. Un certain nombre de documents annexes sont proposés et visent à contextualiser la vie et l’œuvre de Martha.  Comme pour tous les sites à prétention historique, reprenons le questionnement de simple bon sens proposé par Kelly Schrum : Qui est à l’origine du site ? Dans quel but a-t-il été créé (A qui est-il destiné ?) ?  Quel est sa crédibilité (A quels autres sites est-il lié?) ?  

En bas de la page d’accueil il est noté : “Created by Film Study Center, Harvard University and hosted by Roy Rosenzweig Center for History and New Media, George Mason University”. Le couple Havard +  Rosenzweig (dont nous avons pu apprécier les contributions à l’histoire numérique dans ce séminaire) est plutôt rassurant et le site a même reçu le « 2000 American Association for History and Computing Multimedia Prize ». La présence d’une importante bibliographie atteste encore du sérieux et de la crédibilité de l’entreprise. A l’évidence, le site est surtout destiné aux étudiants en histoire et aux professeurs (un guide pédagogique leur est d’ailleurs proposé). Mais les soins apportés aux effets visuels (les « magic lens ») et l’ergonomie attrayante du site le destine aussi à un public plus large de passionnés d’histoire. Derrière il y a la volonté de proposer à l’internaute une réelle confrontation avec des documents d’époque peu accessibles de prime abord. Ici la calligraphie est un obstacle majeur mais un certain nombre d’outil sont proposés pour s’en dépêtrer. Le principal inconvénient me semble-t-il est la navigation entre les différents documents et outils qui n’est pas commode. Il faut ouvrir plusieurs fenêtres et même en faisant cela, la confrontation est difficile. Il faudrait naviguer entre plusieurs écrans. Bref le travail est assez fastidieux.      


Pour l’aspect innovant de ce type d’histoire numérique, on se rapproche de « The valley of the shadows » qui rompt avec l’aspect linéaire des travaux historiques sous forme papier. L’hypertexte donne au lecteur la liberté de construire son propre parcours de recherche. Aussi « the valley » et « do history » se présentent comme un recueil d’archives (« a library ») et non  comme un simple récit, donnant ainsi la possibilité à de multiples interprétations, pour peu que le lecteur s’empare des données, ce qui on l’a vu, est loin d’être facile. Effectivement, pour qu’une recherche soit bien menée, une fois le fil rouge trouvé, il faut réorganiser les matériaux et les mettre en relation et pour cela il est nécessaire me semble-t-il de sortir du cadre du site. La recherche historique exclusivement en ligne me semble un leurre.   

A l’inverse de ce genre de démarche, « The history channel » reste très traditionnelle dans son approche et ne propose que des « narratives », des récits souvent édifiants qui ne sont de surcroit choisi que pour attirer le chaland. Le site est à vocation commerciale et se rapproche des revues d’histoire souvent mal vulgarisées que l’on peut trouver en kiosque, l’aspect multimédia en plus. Le site est le prolongement d’ailleurs du magazine « History ». La politique éditoriale est sensationnaliste et propose comme toujours de déboulonner les « mythes » et autres « idées reçues » et ne contribue en fait qu’à les remplacer par d’autres …  ”Myths debunked, truths revealed and your most burning history questions answered.”, voila clairement le programme. Nous sommes dans de l’infotainment. Les articles ne sont pas “signés”, cela va sans dire. La vérification scientifique est à l’avenant puisque l’internaute est invité à corriger lui-même d’éventuelles erreurs  (« Fact Check: we strive for accuracy and fairness. But if you see something that doesn't look right … »). A bon entendeur…

jeudi 17 janvier 2013

Quantum GIS: Composeur de cartes

Ce post fait suite au projet SIG portant sur Yaoundé que j'ai pu présenter début janvier au séminaire approches spatiales. Je travaillais en parallèle sur un projet SIG qui devait rendre compte de façon très classique de l'environnement régional et national. Beaucoup de cartes récupérées à droite et à gauche n'étaient point satisfaisantes, aussi pourquoi ne pas les fabriquer soi-même quand on dispose des outils? Ces cartes seront inclues dans le mémoire.

 Commençons par la carte administrative du Cameroun colonial. La couche vectoriel présentant les limites administratives a été entièrement redessiné à partir des départements actuels. J'ai pu aussi me frotter au composeur de carte que je maîtrisais pas. J'ai donc fabriqué un modèle de présentation pour unifier le tout.
A partir de sources différentes je fais apparaître ici les différents espaces culturels "véhiculaires" dans les échanges (L'islam pour le nord et la langue Fang Béti pour le sud).
Bien entendu, cette carte de rend pas compte de la mozaïque ethnique au Cameroun (plus de 250 !). J'en présente ici les principaux ensembles en étant volontairement imprécis sur leur implantation.


Enfin, je me suis concentré sur la région de Yaoundé en présentant les différents lieux-dits dont il reste à vérifier leur existence à l'époque coloniale. Je superposerai plus tard les délimitations des chefferies Ewondo avec les principaux lignages. J'y ai joint les voies de communication à actualiser.


Tout cela prend du temps bien sûr mais dans une perspective de recherche au long court, je pense que savoir manipuler et fabriquer ces propres cartes est un vrai plus pour les appentis historiens que nous sommes.

mardi 15 janvier 2013

La critique de l'histoire numérique sur le web





Kelly Schrum, "Surfing for the Past: How to Separate the Good from the Bad," AHA Perspectives (May 2003) [standard]
Cohen, Daniel J. and Roy Rosenzweig.  Web of lies? Historical knowledge on the Internet.”  First Monday (December 2005). [standard]
Edward L. Ayers, "Doing scholarship on the Web: ten years if triumphs -- and a disappointment", Journal of scholarly publishing, vol. 35, no. 3, 2004, pp. 143-47 [court] 



               Kelly Schrum part du constat que l’historien doit faire face à une masse écrasante d’informations de nature historique disséminée sur le web (Voir les “archives de l’infini”) ce qui le contraint à redéfinir ses stratégies de sélection. Il y a également des enjeux pédagogiques dans la mesure où les étudiants recourent massivement au WEB et pas toujours avec la distance critique nécessaire. Il relève ainsi trois familles de questionnement face à un site à prétention historique: Qui est à l’origine du site ? Dans quel but a t-il été crée (A qui est-il destiné ?) ?  Quel est sa crédibilité (A quels autres sites est-il lié?) ?  
Kelly Schrum suggère de “s’outiller” afin de s’orienter correctement dans ce maquis d’informations de valeurs inégales. Faute de quoi il suggère de contourner la difficulté en passant par les bons portails (sites de références). Ce qui revient à opter pour les « catalogues » par opposition aux algorithmes…


                Fort bien. L’on peut cependant se demander en quoi cette « méthode critique » diffère tant de celle définie par Langlois et Seignobos au début du XX siècle. Antoine Prost en proposait une synthèse[1].  Le souci des faits en histoire est celui de l’administration de la « preuve » donc de la référence. Une affirmation doit pouvoir être vérifiée. L’historien doit pouvoir en faire la critique externe (caractéristiques du document), la  Critique interne (cohérence du texte), la critique de sincérité (les intentions du témoin a t-il des raisons conscientes ou pas de déformer le témoignage ?) et enfin la critique d’exactitude (erreurs, situation objective du témoin. Sa position Impliquait-elle des biais ?).

                La question de fond n’est-elle pas alors : les ressources du Web remettent-elle en cause les fondements de la démarche critique en Histoire ? Et si la réponse apportée est vraisemblablement négative pour des raisons de simple bon sens, la question devient : en quoi Internet change les conditions de l’examen critique ?

                Daniel J. Cohen et Roy Rosenzweig pointent les limites des moteurs de recherche tel que Google («a swift locator of people and information ») et les réticences de nombreux historiens à rentrer de plein pied dans le monde du numérique arguant des chausse-trappes dans lesquelles tombent la plupart des étudiants. Comme Kelly Schrum, ils insistent sur la nécessité de nouveaux outils de recherche (automated methods for mining historical knowledge digitally) tel H.Bot. Mais maîtriser ces outils algorythmiques suppose d’avoir une bonne connaissance pratique du fonctionnement du net. D’autre part se pose la question de la pertinence des méthodes d’analyse mathématiques. Au fond la question déjà posée dans ce séminaire reste « une base de donnée étant un silo auquel on peut poser des questions ; comment faire en sorte que les questions traversent les silos ? Les auteurs jugent très bonne la capacité de H-bot à répondre de façon pertinente à des questions historiques. Soit mais l’article étant rédigé en 2005, on a du mal aujourd’hui à trouver trace de H-bot sur le net. Est-on passé à autre chose ?  Ils soulignent cependant la « naïveté » de H-bot. Faut-il s’en étonner ?  Ils rappellent opportunément que la notion problématique de vérité historique n’est pas la même dans le monde académique et sur le Web. Sur le Web c’est une affaire de consensus fut-il changeant. Pour les chercheurs ce sont les travaux les plus récents et reconnus par la communauté des historiens qui font foi. Ce point est à mes yeux, crucial, et nous retrouvons ici les limites intrinsèques des encyclopédies en ligne comme Wikipédia. La vérité a-t-elle valeur démocratique ? Est-elle détenue par le plus grand nombre ? Faute d’être complètement insaisissable (sinon à quoi bon exercer le métier d’historien) une vérité historique est « construite » donc fuyante et capricieuse ("People don't realize how hard it is to nail the simplest things," Lars Mahinske, chercheur pour l’Encyclopedia Britannica). Et si elle est établie par la communauté (la validation des pairs se substituant à la « preuve » administrée, problématique en sciences humaines), elle ne l’est souvent qu’à titre provisoire, de nouvelles sources ou questionnement pouvant à tout moment chambouler l’édifice.
                Ce consensus autour des faits historiques comme faisant foi pose donc problème à l’historien. Au début d’une recherche sur un sujet précis, l’on est souvent tenté de faire un état des lieux de la connaissance sur le web. Fort bien, mais le processus de recherche ne commencera réellement qu’à partir du moment où nous trouverons les travaux de référence sur la question et c’est clairement les limites d’internet faute d’outils adaptés. La question que nous pouvons nous poser serait aussi : dans la mesure ou des outils algorithmiques de type H.bot permettent de retrouver de façon pertinente un certain nombre de faits ou matériaux historiques, ne nous limitent-ils pas à une approche triviale, factualiste de l’histoire ?  Le danger est que ces outils nous amène par leur nature même (multiple choice) à une vision réductrice et naïve de l’histoire.
                Derrière cette question, Daniel J. Cohen et Roy Rosenzweig pointent aussi les limites de la recherche en intelligence artificielle qui est loin de répondre aujourd’hui aux espoirs et aux fantasmes qu’elle a pu susciter dans le passé. Nous sommes très loin d’approcher les capacités d’un cerveau électronique comme HAL dans 2001 l’odyssée de l’espace ! Mais si de tels outils ne nous apparaitront jamais comme « intelligent » ils peuvent cependant nous faire gagner un temps précieux en discriminant et en présélectionnant les informations sur le net, fusse de façon imparfaite et incomplète. They are dumb but fast machines ! Toutefois les techniques d’analyse de texte peuvent à l’évidence apporter beaucoup à l’historien en termes de compréhension cette fois.  En bref les méthodes quantitatives peuvent être au service de réponses qualitatives.   


[1] Prost Antoine, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Seuil, 1996.

vendredi 11 janvier 2013

The brain (suite)



Je reviens sur le mind-mapping car j’ai pu mettre la main à la pâte cette fois-ci. The Brain s’est avérée peu adaptée pour reproduire mes schémas de réseaux (voir post précédent) car la pagination se fait automatiquement ce qui est dans ce cas un inconvénient. Xmind me parait plus souple pour l’agencement des blocs dans l’espace. De plus, les différents modèles sont bien utiles. Voici comment j’ai commencé à planifié mon boulot pour l’année de master. Grace à un système de repères visuels, on peut facilement voir l’avancement du travail.



En revanche, pour le brain storming pur et dur, je préfère The Brain car les possibilités de mise en relation sont très riches. J’ai commencé par le cœur de mon sujet « les processus de politisation » et j’ai essayé de voir sous quel angle je pouvais l’aborder.

Un certain niveau de complexité  est vite atteint en tirant les fils mais il est toujours aisé de simplifier l’affichage (+ ou -) et de déplacer le regard, ce qui est un vrai plus, car chaque idée se voit éclairer de multiples résonnances (parfois inattendues). 


Tirer des fils est particulièrement intuitif mais il faut cependant réfléchir à la notion d’idée « enfant » (qui correspond à une inférence) et celle de « parent » qui affiche aussitôt les « siblings » (frères et sœurs).  Très pratique le lien Jump (à gauche) qui permet d’associer librement d’autres idées qui se rapporte à l’idée affichée.



Après cette étape, dans la mesure où on doit produire un texte linéaire, on se rend compte rapidement qu’il n’y a pas qu’un fil rouge possible (qu’on peut faire apparaître au sens propre !!!). Par exemple dans mon cas le plan « les processus de politisation à travers les réseaux par les effets d’échelle (de l’international au très local) » n’est pas le seul possible. Il y a de fait plusieurs angles d’attaque possible.

C’est un excellent outil pour modéliser le complexe sans se faire des nœuds dans la tête. La deuxième étape va être de renseigner chaque idée avec des références (sources, biblio ect…) et de trouver les bons arguments. A ce stade je ne sais comment insérer le plan de mon mémoire qui doit présenter une linéarité (c’est un texte). Faut-il créer un nouveau fichier ? Une nouvelle arborescence en parallèle (jump)? A voir…